Lucie Kamusokera est née en 1942 à Lubero, dans le Nord-Kivu, à l’Est de la RDC. Depuis ses 9 ans, elle fait l’art. Elle brode, sur les sacs usagés, l’histoire de son pays dans le but de préserver les moments forts du Congo et de l’Afrique dans les mémoires de la nouvelle et prochaine génération. Portrait. En République Démocratique du Congo, comme d’ailleurs un peu partout en Afrique, quand on parle de l’art en général et que l’on s’intéresse un peu plus aux œuvres et auteurs les plus connus, il est facile de déduire que les femmes manquent quasiment à l’appel, contrairement aux hommes et pourtant, Lucie exerce ce metier depuis plusieurs décennies. Elle façonne, par ses tableaux, la mémoire collective du Congo. Elle a participé à la deuxième édition du Congo Biennale, qui s’est tenue à Kinshasa du 16 Septembre au 13 Octobre 2022. Ce festival, qui aide les artistes congolais dans la transmission du savoir sur le plan culturel et qui accueille les artistes de toute l’Afrique, est la plus grande consécration, jusqu’à présent, de la carrière de Lucie. Née en pleine période coloniale, Lucie se forge dans l’art à son école primaire dont les enseignants étaient italiens. « J’ai appris à faire ce travail chez les italiens », précise-t-elle. Au début, elle ne dessine que les fleurs et les oiseaux pour faire plaisir « aux blancs ». Elle se rappelle : « J’étais encore en cinquième année primaire quand les italiens m’ont appris à faire ce travail. J’avais 9 ans ». Le declic vient en 1997, quand Laurent Désiré Kabila est parvenu à prendre le trône du Congo. « J’ai vu des véhicules remplis de sang des humains. C’est cela qui m’a poussé à commencer à dessiner plutôt l’histoire de mon pays que des fleurs et des oiseaux », déclare-t-elle. « Mes parents ne savaient pas que je faisais de l’art car je ne dessinais que quand j’étais au cours. C’est quand j’ai migré dans le dessin qui raconte l’histoire de mon pays que mes parents m’ont découvert et m’ont encouragé. Je me rappelle qu’il y a de blancs qui ont voulu que je parte en Europe parce qu'ils me trouvaient intelligente et talentueuse. Mes parents ont malheureusement dit NON », ajoute-t-elle sourire aux lèvres. Au-delà de dessiner, elle voulait écrire l’histoire de son pays sous format d’un livre mais sans moyens. Elle a laissé pour mort le projet et s’est concentrée uniquement sur l’art. « Les œuvres que je fais vont aider les générations suivantes à connaitre l’histoire du Congo grâce à des dessins que je fais à la main ». Ses tableaux, elle les fait d’abord en dessinant avec la craie sur les sacs recyclés. Ensuite, elle utilise un marqueur qui les rend plus vivants avant de prendre son aiguille et ses fils pour parfaire son œuvre. Selon l’histoire et la dimension du tableau, elle fait entre un mois et trois, en travaillant 8 heures par jour, pour finir un tableau. Sans atelier, elle confectionne ses œuvres dans sa modeste maison située au sud-ouest de Goma. Ces dernières critiquent le passé colonial congolais mais aussi l’histoire politique et les guerres incessantes qui ont façonné sa propre vie. Dans sa gibecière, elle a des tableaux qui retracent les trois éruptions du volcan Nyiragongo de 1970, 2002 et 2022, la guerre de 80 jours, la mort de Lumumba, l’histoire de sa dent, … « Jamais j’ai été menacé », a souligné Lucie. Elle vend ses œuvres à partir de chez elle mais elle déplore le fait que ses tableaux sont souvent parodiés par les acheteurs ensuite revendus à des prix chers, surtout en Europe. « J’ai appris tout cela quand j’étais à Kinshasa », dit-elle. Son autre regret est que ses compétences artistiques n’intéressent pas le gouvernement congolais. Elle veut avoir un centre de formation et ainsi transmettre son savoir aux jeunes. « Je ne veux pas mourir avec ce que je fais, je vais léguer aux autres. J’ai déjà enseigné à ce qui l'ont voulu », a souligné Lucie. Lucie a déjà formé plus de 30 personnes, dont 3 de ses propres enfants. Certains d’entre-eux commenceront même à vendre leurs propres œuvres d'ici-là.
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